jeudi 1 septembre 2011

La Beauté du Diable

Réalisateur :  René Clair – Scénario : René Clair, Armand Salacrou – Année : 1950 – Pays : France – Musique : Roman Vlad – Avec : Michel Simon, Gérard Philipe & Nicole Besnard


Le professeur Faust arrive à la fin de sa carrière. Il a consacré toute sa vie à la recherche ; jamais il n'a cessé de rechercher comment fabriquer de l'or. C'est ainsi que Faust se meurt, sans jamais avoir véritablement vécu.
Un démon guète l'âme du professeur. Plus le temps passe, et plus le malin est omniprésent. Chaque fois ses ruses se font plus élaborées, plus machiavéliques. Lorsqu'il propose à Faust de retrouver sa jeunesse, le professeur se laisse convaincre, persuadé qu'il pourra se jouer du démon...

Monument du réalisme poétique, la Beauté du Diable n'est pas qu'une simple adaptation du mythe de Faust, c'est aussi une sacrée leçon de cinéma.



"Le réalisme poétique désigne un courant du cinéma français qui se développa notamment à la fin des années 30 […]. L'étrange collage de deux concepts dont le sens commun tend à opposer (le prosaïsme de réalisme contredisant le lyrisme de poétique) exprime bien la nature duelle d'un mode de représentation qui emprunte des éléments à la réalité pour s'en éloigner délibérément et sans retour au fur et à mesure de l'élaboration du film. Pour qualifier cette démarche, la formule de fantastique social, chère à Pierre Mac Orlan, l'auteur de Quai des Brumes, et l'un des inspirateurs littéraire du genre, paraît mieux convenir"
[Pinel V., Genres et Mouvements au cinéma, Réalisme poétique (le), Larousse, 2009] 


Cette dernière formule de « fantastique social » colle parfaitement à la Beauté du Diable. En effet, le professeur Faust se meurt doucement. Mephisto l'ayant rajeunit et ayant pris sa place, le professeur ne pourra plus pénétrer chez lui et gouttera à la pauvreté et à l'errance en même temps qu'à l'amour. Le jeune Faust voyagera quelques temps de par les villes en la compagnie d'une troupe de saltimbanques. Ainsi plongé dans l'indigence, il entrera de l'autre côté du miroir.
Le film de René Clair, présente toutes les couches de la population. Toutefois il semble plus intéressé par le relief inquiétant des ruelles pavées, que par les marbres ennuyant des palais. Même dans le réalisme le plus populaire – que Zola n'aurait sans doute pas renié s'il avait connu le cinéma – l'ombre du malin n'est pas loin. Elle plane sur Faust à chaque instant, distillant un aspect fantastique sinistre, qui semble être à son apogée dans les bas fonds de la ville.


La Beauté du Diable peut se targuer d'une image sublime. Les décors sont mis en lumière avec soin, pour un résultat noir et blanc qui donne envie de mettre des claques aux « ah-non-moi-le-noir-et-blanc-je-peux-pas ». La seule composition des plans du film, transpire de poésie et de caractère. Les décors ont une vie propre, et en disent long sur l'environnement, son passé et son futur ; les chefs déco' ne se sont pas mouchés avec le dos de la cuillère !
Au milieu de ces superbes tableaux, évoluent deux acteurs. Chacun incarne tour à tour Méphisto et Faust à un âge différent. Gérard Philipe incarne le jeune Faust, plein de fougue ; Michel Simon est le professeur, rongé par les remords et les rhumatismes. A eux deux ils font vivre le film, lui donnent un corps, une âme, et deux voix. Impressionnant !


Et puis derrière la caméra il y a René Clair. Son talent lui vaut d'être le premier réalisateur à entrer à l'académie Française pour ses travaux cinématographiques. « ... ce qui ne veut absolument rien dire ! » me direz vous. Coquins que vous êtes ! Peut-être, mais en attendant, le réalisateur s'y entend en matière de cinéma, et c'est là l'essentiel.
Avec La Beauté du Diable il met en image une histoire d'amour, de manipulation et de désespoir. Une vraie belle histoire, riche en sentiments et en enseignements. Une véritable pépite.

Donc Académie Française ou pas, je vous recommande chaudement ce petit chef d’œuvre du cinéma français. Là encore, merci à Gaumont pour le superbe bluray, qui permet de (re)découvrir le film dans une copie qui lui rend fort bien justice.





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