mardi 30 août 2011

Colin

 Réalisateur :  Marc Price – Scénario : Marc Price – Année : 2008 – Pays : Royaume-Uni – Musique : Jack Elphick, Dan Weekes – Avec : Alastair Kirton, Daisy Aitkens & Kate Alderman


Mesdames et messieurs, sous vos yeux ébahis je m’apprête à réaliser une acrobatie que peu d'entre nous ont accomplie de leur vivant (et même de leur mort, c'est vous dire !)... Je vais dépouiller un métrage qui s'intitule comme moi. Allons-y gaiement.

Colin (pas moi, celui du film) est un jeune homme... ah non, finalement c'est un zombie. Toutefois, il est certain qu'avant de devenir un mort-vivant, il était vivant et de sexe masculin : un jeune homme donc.
Trêve de plaisanterie ; le film s'ouvre sur le jeune homme mordu. Il est dans sa cuisine, plié de douleur au-dessus de l'évier. Très rapidement, le virus fait son office, et Colin se redresse, le teint pâle, le regard vide, et les gestes maladroits. Après quelques instants de lutte, le voilà dans la rue.

Lentement, il va déambuler dans les rues de la ville. Avec lui, le spectateur va découvrir un monde ravagé où il ne reste plus que quelques survivants. Si le jeune zombie semble à la recherche de nourriture, ses tentatives de nutrition échoueront pour la plupart. Colin semble assez facilement distrait par son environnement.

Les zombies ont le vent en poupe en ce moment, Colin est-il à la hauteur de ses concurrents ?







Deux choses frappent lorsque l'on regarde la pochette du DVD. Sur la face est inscrit en évidence le budget du film : 45£ (pas beaucoup plus de 60€). Sur le dos de la jaquette on lit « le premier film qui prend le point de vue du zombie ».
Cette dernière inscription me gène grandement puisque Colin passe quelques dix ans après le chef-d’œuvre « Moi Zombie, Chroniques de la douleur ». Et Colin se rapproche par bien des aspects du sublime travail d'Andrew Parkinson. Le fait que les deux films se déroulent dans des banlieues grises de l'Angleterre n'y est sûrement pas étranger. Toutefois, les deux métrages ont en commun de s'intéresser au zombie en tant que héros et non en tant que menace. A la différence, que « Moi Zombie, Chroniques de la douleur » s'intéresse plus à la décomposition de l'être, au passage d'un état à un autre. Colin lui, se contente de suivre son zombie de protagoniste. C'est d'ailleurs là où les deux films se démarquent, quand Marc Price rame pour garder l'attention du spectateur le long des errements urbains, Andrew Parkinson propose une descente aux enfers avec pertes et fracas.
Soyons clairs, les arguments de Colin ne sont pas tant d'ordre artistique que pécuniaire. Ce que l'on pouvait craindre au vu du tapage que provoque le film, se vérifie donc assez rapidement. 


Effectivement l’inscription « le film de zombie à 45£ » résume très bien Colin. C'est-à-dire que les qualités intrinsèques du métrage ne résident pas dans sa direction artistique, son scénario, etc., mais bien dans son budget. Ce n’est pas pour rien qu’il s’agit là de son argument principal de vente. Essayer de vendre un film en se vantant de son budget, c’est un peu jouer à celui qui pisse le plus loin ou celui qui a la plus grosse… excepté qu’ici ce serait plutôt celui qui a la plus petite.
Colin a été réalisé pour 45£, parce que tout a été emprunté, récupéré, minimisé, etc. la belle affaire ! Est-ce que je me mets à gueuler sur tous les toits quand j’achète un truc d’occase, ou que je fais une affaire ? Non. Un peu de pudeur, que diable. Ceci étant établi, et si son budget n’était pas un vulgaire argument marketing, Colin pourrait être le premier film de la « décroissance ». A l’heure où l’on consomme en masse, et de préférence des produits dont on n’a pas besoin et que même la culture devient une infecte chasse au profit (loin de moi l’idée de pointer du doigt les distributeurs de jeux vidéos qui veulent tuer le marché de l’occasion par un système de contenu à déverrouiller) une œuvre qui a coûté si peu cher se situe plutôt à contre-courant. Voilà qui est positif : un film éco-équitable basé sur l’idée que rien ne se perd, tout se recréé. Mais ça ne change pas pour autant le contenu du film, et s’il reste des traces de Colin dans le futur, cela risque bien d'être comme LE film qui aura coûté 45£.


Au final, et au vu du contenu, est-ce vraiment un challenge d'avoir réalisé un tel film pour 45£ ? Pas vraiment, me semble-t-il. Tout d'abord, l'image est plutôt laide, et accuse difficilement le coup en cas de lumière extrême. En effet, c'est l'un des postes qui aura pu permettre de grignoter sur le budget : il n'y a pas d'éclairage autre que celui naturel et/ou déjà en place. On s'approcherait presque d'un dogme 95. Tout y est si dépouillé, que l'on s'y croirait presque. C'est d'ailleurs là que réside l'un des principaux défauts de Colin : ne pas utiliser de façon pertinente ses contraintes techniques. En effet, l'absence d'éclairage, la caméra de poing à l'image plus que médiocre et les longs plans séquences auraient dû orienter le traitement du sujet.
Au lieu de cela, demeure une promenade de 90 minutes avec un zombie pas tellement zombifié. Au cours de cette petite aventure, la camera suit presque tout le temps, Colin, le héros mort-vivant. Toutefois, à quelques reprises, la camera délaisse Colin pour aller s’intéresser à une scène opposant un groupe de survivants aux zombies. Là, le point de vue est clairement celui des survivants. Voilà une inconsistance scénaristique bien étrange.


Pour autant, Colin est caviardé de bonnes idées. Celle de progresser au sein de la ville pour observer un nouveau monde du point de vue du zombie (un point de vue neutre, puisque les capacités de réflexion du mort-vivant sont finalement assez peu élevées). Mieux, par quelques interactions bien senties, Marc Price réussit à toucher le spectateur. En effet, par un jeu de puzzle, on peut reconstituer la vie passée de Colin. Colin est construit sur le principe d'une boucle à boucler. Ce n'est pas tout à fait réussi, mais quelques scènes intelligentes maintiennent l'attention du spectateur, et c’est déjà pas mal.

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