jeudi 28 juillet 2011

La Poison

Réalisateur :  Sacha Guitry – Scénario : Sacha Guitry – Année : 1951 – Pays : France – Musique : Louiguy – Avec : Michel Simon, Jean Debucourt and Jacques Varennes

En 1951, Guitry écrit et réalise son premier film : La Poison ; jusqu'alors le maître n'avait réalisé que des adaptations de ses pièces ou des drames historiques. Gaumont ayant récemment ressorti le film dans une belle copie au format Blu-ray, cela me fait l'occasion de vous en parler car il n'est jamais trop tard pour découvrir un classique.

La Poison retrace les (més)aventures de Paul Braconnier et de sa femme. Madame Braconnier est un tonneau, une sacoche, que dis-je : une pochetronne. Du matin au soir, la Braconnier s'en envoie sévèrement derrière la cravate. Résultat, en plus d'être moche, la gueuse est saoul en tous temps. Pour ne rien arranger, elle ne peut plus supporter son mari.
Lui : « tu crois pas que t'es assez saoul ? »
Elle : « je le serais jamais assez pour supporter ta gueule. »
Elle décide donc d'empoisonner son mari, car comme chacun sait, c'est là la meilleur façon de résoudre une querelle de couple.
De son côté, Paul Braconnier est lui aussi à bout : il n'en peut plus de sa barrique de femme et décide de la supprimer. Il consulte préalablement un avocat qui lui prodiguera sans le vouloir des conseils sur la meilleur façon de tuer sa femme tout en courant le moins de risque de condamnation. Paul rentre chez lui et tue sa femme comme le lui a suggéré l'avocat...




Dès son ouverture le film surprend : en guise de générique Sacha Guitry se fait filmer en train de présenter et faire l'éloge de chacun de ses comédiens et de ses techniciens. Petite anecdote : Michel Simon ne savait rien du tournage de ce générique, et a été totalement pris au dépourvu par l'éloge que Guitry lui fit devant la caméra.
Sur wikipedia (qui comme chacun sait est la source ultime du savoir dans son entier et plus encore), il est écrit :
Comme toujours, les critiques ne furent pas enthousiastes pour le film. La plupart se concentraient sur le générique où l'on voit Guitry faire l'éloge des acteurs et des comédiens. En fait, ce générique annonce le thème du film: l'éloge. Éloge du mensonge, éloge de la prise d'initiative.
J'y apporterais toutefois une modération, il me semble que ce n'est pas tant l'éloge qui est le thème du film, que l'hypocrisie. Chacun des protagonistes y est outrageusement hypocrite. Pour un peu, on se croirait dans le Tartuffe d'un certain Molière, sauf qu'ici, pas de jaloux : tout le monde en prend pour son grade. Les villageois qui sont d'infâmes bigots assoiffés de ragots, n'attendent qu'une chose, que le curée fasse un faux miracle pour que les projecteurs se braquent sur la ville et relancent le commerce. Le curé, lui, prend ses fidèles pour des demeurés. Quant à Maître Aubanel, l'avocat qui se flatte d'avoir fait acquitter plus de 100 criminels, il est outré lorsque Paul Braconnier fait de lui un complice involontaire...

Les personnages sont ici de véritables caricatures, portraits grossiers d'une peinture sociale au vitriole. Cela permet à Guitry de ciseler des bijoux de dialogues, et de tirer à boulets rouges sur tous ces avides hypocrites. Ainsi, malgré le traitement noir que Guitry donne à son sujet, La Poison, s'avère être une comédie, certes noire et grinçante, mais une comédie tout de même.

Si Sacha Guitry est habituellement connu pour sa misogynie galopante (par exemple : « Les avocats portent des robes pour mentir aussi bien que les femmes. »), ici elle est passablement modérée. En effet les seuls élans misogynes sont dirigés à l'encontre de Madame Braconnier, qui est aussi exécrable qu'alcoolique. Cette misogynie modérée n'écarte en aucun cas l'usage à profusion de répliques vachardes en tous genres, pas plus que les situations grotesques. Ouf ! Sauvés !

Pour ne rien gâcher, Michel Simon porte le film sur ses épaules de façon impériale. Que demander de plus ?

La Poison est une œuvre rafraichissante, diablement bien écrite et dont seule la réalisation a vieilli... Un bonheur.

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